13mars
The Manhattan Projects : une réécriture absurde et géniale de l’histoire
1939, le Président Roosevelt, informé des possibles avancées scientifiques des nazis - en particulier au niveau de la course à l’atome - par une lettre d’Albert Einstein, rassemble une équipe de « supers cerveaux » qui y est spécialement dédiée. Sous le nom de code de Projet Manhattan, ces génies scientifiques vont œuvrer à la création des 2 bombes atomiques larguées sur le Japon, préfigurant ainsi le début de la conquête spatiale. Ici s’arrête l’histoire officielle…
Dans l’histoire réinventée et déjantée que constitue les Projets Manhattan - le pluriel est à noter -, les bombes A ne sont que la partie immergée de l’iceberg, une vérité superficielle portant sur la moindre des créations d’une bande d’hurluberlus extrêmement doués mais pour la plupart passablement azimutés - Einstein est alcoolique et bizarrement en retrait ; Fermi n’est pas ce qu’il prétend être ; Daghlian a « survécu » de bien étrange manière à son accident avec le plutonium ; Von Braun a du mal à demeurer « entier » sans prothèses robotiques ; Oppenheimer est cannibale et sujet à une multiplication insensée de ses personnalités… -. A cela s’ajoute le contexte de la Guerre Froide ; l’alliance secrète des scientifiques de l’Est et de l’Ouest ; le désir de mainmise et d’éradication des présidents américains ; une société secrète aux ramifications mondiales ; la conquête de l’espace ; des extraterrestres ; une guerre civile entre Oppenheimer… les crises s’enchaînent, les alliances se font et se défont, les trahisons et les révélations tombent en cascade…Nul ne sortira indemne de la soif inextinguible de connaissances des génies dévoyés et délirants des Manhattan Projects.
Les uchronies sont toujours des récits singuliers qui partant de faits réels et historiques, les tordent et les font bifurquer dans une direction qu’ils n’ont pas pris - en gros, une réécriture de l’Histoire par la modification du passé - ; The Manahattan Projects s’inscrit pleinement dans le genre en y adjoignant des éléments scientifiques, science-fictionnels et fantastiques, mâtinés d’humour, de scènes effroyables et de réflexions délirantes sur le complotisme. Dans ce titre, tous les curseurs sont poussés à l’extrême : les petits arrangements avec la morale des gouvernements et des scientifiques dans les années 30 à 50 deviennent des trahisons majeures à l’échelle humaine - voire planétaire - ; les « grands savants » du XXème siècle sont transformés en génies extraordinairement farfelus, pour certains clairement sociopathes voire hautement schizoïdes, mais formidablement visionnaires, explorateurs de toutes les frontières de la science, les repoussant sans cesse quand ils ne les explosent pas joyeusement.
La politique des différents blocs de l’époque y apparaît tout aussi foutraque que fantasque…Le tout au service d’un récit dense, complexe et extrêmement rythmé, où tout est possible, où aucune limite n’existe et qui bénéficie d’un casting 4 étoiles. Chaque protagoniste y a sa voix propre, son arc narratif dédié, et s’inscrit pleinement dans une réécriture absurde et géniale de l’histoire où les frontières entre le bien et le mal, le possible et l’inconcevable, s’estompent peu à peu.
A un postulat de départ excitant et à un background déjà très fourni, s’ajoute une narration fluide qui jamais ne perd de vue ses personnages, leurs motivations, le contexte global, et naturellement le côté jouissif, déluré et (d)étonnant, essentiels pour la réussite d’un tel titre.
La partie graphique, très détaillée, n’est nullement en reste et participe à l’immersion via un subtil usage du bleu et du rouge pour marquer l’orientation, bonne ou mauvaise, des choix faits ainsi que de certains protagonistes.
Pour qui : toutes celles et tous ceux qui pensent qu’ « on nous cache tout, qu’on ne nous dit rien » ; qui n’ont peur ni des concepts différents, ni de scènes crypto-gores, ni même des complots qu’ils soient politico-industriels, pan-dimensionnels, extra-terrestres - voire intra-personnels !!! - ; les zélateurs de sciences pointues, hyper-fictives et méta-textuelles ; ceux qui n’en peuvent plus du prêt-à-penser et des histoires rebattues / lecteurs avertis - dès 16 ans -
Le + : Une touche réaliste est ajoutée en fin des volumes, revenant sur le contexte historique et politique ainsi que sur la véritable vie et les réalisations extraordinaires de l’ensemble du casting développé, d’Einstein à Oppenheimer, de Groves à Roosevelt, de Laïka à Gagarine. De quoi lier idéalement lecture agréable à culture générale.
The Manhattan Projects - broché – 2 tomes - 28€ par tome - environ 400 pages chacun - édition française Urban Comics